L’adaptation de nos villes au réchauffement climatique : les principes bioclimatiques
Un dérèglement climatique mondial
Au cours de son histoire, la terre a traversé des périodes glacières suivies de réchauffements, ces changements climatiques s’effectuaient sur des millions d’années permettant à l’environnement de s’adapter lentement. La brusque augmentation des températures observée depuis le 19ème siècle avec la révolution industrielle, et ensuite avec la mondialisation, ne s’est jamais vue dans l’histoire de la planète.
Depuis 1990, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne cesse d’accumuler les preuves sur le caractère anthropique de ce réchauffement climatique et nous alerte des dangers que l’humanité encourt. Ses rapports ne laissent plus aucun doute, les derniers arguments utilisés par les climatosceptiques volent en éclats. C’est bien la suractivité économique, aujourd’hui mondiale, qui est la cause de la colossale hausse des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans l’atmosphère, déclenchant et entretenant le processus de réchauffement climatique fulgurant actuel.
Les conséquences de cette hausse des températures se font de plus en plus sentir, augmentation du nombre de jours de canicule et de leur intensité, hausse du niveau des océans, désertification, hausse du nombre des phénomènes climatiques (canicule, sécheresses, ouragans, tornades, pluies intenses, inondations…) et de leur puissance, effet de fournaise urbaine, effondrement de la biodiversité… Chaque année, les températures moyennes relevées sont de plus en plus chaudes.
Nous sommes déjà confrontés à l’augmentation des conflits pour l’accès aux ressources, à la migration des populations fuyant la hausse des océans et la désertification, aux bouleversements des productions agricoles, au décès prématuré de 42 000 personnes chaque année en France.
Nous avons aujourd’hui atteint 1,2°C de plus en 70 ans de temps. En fonction des mesures prises et selon un scénario optimiste, nous allons, d’ici 20 ans, dépasser le seuil actuel de plus 1,5°C. En l’absence de réaction forte et si rien n’est fait pour réduire les GES, la hausse pourrait s’élever à 3,8°C. Nous serions alors projetés dans un dérèglement climatique sans précédent, qui aurait des conséquences ravageuses sur notre environnement et sur les conditions de vie de la population mondiale.
Des mesures globales
Nous n’échapperons pas à une hausse significative des températures qui sera plus ou moins forte selon le niveau de réponses collectives des pays et l’endroit sur la planète.
C’est donc au niveau mondial que nous devons dès à présent réduire la quantité de GES que nous rejetons dans l’atmosphère et opérer un changement profond de nos modes de production et de consommation. Les dirigeants de chaque pays sont tenus d’intervenir pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris 2015-COP21 et limiter la hausse des températures à 1,5°C, c’est-à-dire s’engager dans une transition sobre en CO2 pour avoir un bilan carbone nul en 2050.
Sur le plan national, l’exécutif doit relever l’objectif national de baisse des émissions de GES et développer, en cohérence avec le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, une politique économique, énergétique, agricole, de transport, d’isolation des bâtiments, d’aménagement urbain, à la hauteur de l’enjeu.
Plusieurs organismes fournissent des pistes et des outils aux acteurs de la vie publique : l’Observatoire National sur les Effets du Changement Climatique (ONERC), l’agence de la transition écologique (ADEME). Il est impératif que l’Etat inscrive leurs recommandations dans un cadre législatif et augmente les moyens financiers pour accélérer la mise en œuvre des mesures préconisées. Mais il doit parallèlement supprimer les aides, subventions et exonérations qui sont dommageables à l’environnement, par exemple dans le secteur des transports ou dans la création d’infrastructures.
L’Etat dispose depuis cet été du rapport de la Convention Citoyenne pour le Climat, chargée par le gouvernement de « définir des mesures permettant de réduire d’au moins 40% les émissions de GES en France dans un esprit de justice sociale » et dont il a retenu 146 propositions. Il s’agit maintenant de les voir traduites rapidement en règlement, plan de relance et projet de loi.
Toutefois, la majorité des dépenses publiques nécessaires à la mise en œuvre des propositions de la Convention Citoyenne relève des collectivités territoriales.
Les collectivités territoriales face à un risque majeur
En Île-de-France, où une grande partie de la région est exposée à une chaleur urbaine importante, tout retard à agir ou inaction serait catastrophique. Adapter nos villes au changement climatique devient urgent.
L'ordonnance de 2015 réformant le Code de l’urbanisme a clairement introduit dans l’article L101-2 la mission donnée aux politiques publiques en matière d’urbanisme de poursuivre des objectifs de développement durable et notamment « la lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie des ressources fossiles, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables » .
Pour cela, la région dispose de documents d’aménagements : le Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF), le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE), les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de Marne Confluence et de Croult Enghien Vieille Mer et le Plan de Déplacements Urbains Île-de-France (PDUIF) qui encadrent les choix d’aménagements des communes.
La région, comme le département ont des moyens à leur disposition pour intervenir dans leur champ de compétence. De nombreuses communes inscrivent dans leur Plan Local d’Urbanisme les principes bioclimatiques. La Métropole du Grand Paris a adopté un Plan Climat Air Energie Métropolitain qui a fixé les objectifs suivants :
- atteindre la neutralité carbone en 2050
- accroître la résilience de la Métropole face aux effets du changement climatique
- assurer une qualité de l’air conforme aux seuils fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé
- réduire massivement les consommations énergétiques
- développer massivement la production locale des énergies renouvelables et de récupération.
Le territoire Grand Paris Grand Est fortement impacté
La localisation du territoire Grand Paris Grand Est en fait un espace fortement impacté par les effets du réchauffement climatique.
Les multiples retours d’expériences et toutes les études au niveau local, dont celles de l’Institut Paris Région Île-de-France (IPRidf) (voir ici) et de l’atelier parisien d’urbanisme (APUR) établissent clairement le lien entre développement urbain et changement climatique. La carte Energif nous renseigne sur le volet énergie et GES (voir ici).
La densité urbaine, la minéralisation des surfaces et le choix des matériaux utilisés pour la construction créent des phénomènes d’Îlots de Chaleur Urbains (ICU). L’incapacité des zones urbaines à se rafraîchir durant la nuit en raison d’aménagements inadaptés est mise en évidence. Le projet MApUCE publie des cartes d’analyse microclimatique qui font apparaître sur notre territoire, selon le scénario, des ICU pouvant aller jusqu’à 6°C supplémentaires par rapport à la normale (voir ici).
La destruction des espaces ouverts et de la végétation urbaine limite l’absorption des rayonnements du soleil et l’humidification de l’atmosphère. L’artificialisation excessive des sols, accentuée par la forte déclivité de certaines communes, favorise le ruissellement et les inondations. Le retrait gonflement des sols argileux provoque dans plusieurs de nos villes des dégâts considérables. L’utilisation systématique de la voiture pour les déplacements concourt à l’augmentation générale des températures. Les équipements médiocres en isolation des habitations entraînent une surconsommation de chauffage pour un confort faible.
Grand Paris Grand Est a établi en 2019 un rapport sur le développement durable (voir ici), lancé l’élaboration du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET), qui décline les politiques et actions de lutte contre le changement climatique, et prépare le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi).
Alors que les conséquences sanitaires sur la population s’aggravent cette année encore, que le taux de morbidité augmente lors des pics de chaleur, la responsabilité des élu(e)s est engagée. Ils doivent faire de la lutte contre les effets du changement climatique une priorité, se saisir de ces leviers que sont le PCAET et le PLUi pour agir sur tous les paramètres en même temps et résolument.
Grand Paris Grand Est a un rôle majeur à jouer dans la prévention, en intégrant plus fortement les enjeux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique dans les documents d’urbanisme et en menant une politique volontariste.
ENDEMA93 : pour une ville adaptée et renaturée
ENDEMA93 entend être un partenaire constructif pour l’élaboration du PCAET et du PLUi. Lors de la rédaction des PLU des 7 communes qui relèvent de notre périmètre d’action, la pertinence de nos interventions a été reconnue par les pouvoirs publics et le Tribunal administratif ; l’agrément départemental au titre de la protection de l’environnement et notre connaissance du territoire devraient légitimer notre présence dans le comité de pilotage du PCAET et du PLUi.
ENDEMA93 présente des propositions pour l’adaptation de notre territoire au changement climatique et demande que les principes bioclimatiques soient inscrits dans les documents réglementaires d’urbanisme.
La lutte contre les effets du réchauffement climatique engage chacun d’entre nous et demande concertation, sensibilisation et pédagogie : associer la population dans une démarche participative est essentiel.
Pour informer les citoyens et afin que les élus puissent définir les orientations qu’ils devront privilégier pour remplir leurs obligations, une étude microclimatique détaillée de Grand Paris Grand Est doit être réalisée.
Dans le PLUi, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), les Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP), le plan de zonage et le règlement peuvent intégrer des dispositions ou prescrire des obligations pour lutter contre le dérèglement climatique.
Renforcer la présence de la nature et végétaliser pour un effet canopée et d’évapotranspiration
- appliquer Zéro artificialisation nette, sanctuariser les espaces libres et de nature existants, les jardins en pleine terre, publics et privés
- créer de nouveaux espaces verts pour atteindre 10m² par habitant
- renaturer les espaces artificialisés non construits
- renforcer les aménagements des Trames Vertes, des corridors écologiques
- systématiser la plantation d’arbres et d’arbustes sur les trottoirs, conserver les cœurs d’îlots végétalisés, créer des îlots de fraîcheur
- adopter une charte de l’arbre, réglementer l’abattage des arbres et le nombre d’arbres à planter ou conserver par surface de pleine terre
- créer des obligations de végétalisation pour les espaces publics et privés avec une palette végétale endémique ou adaptée au changement climatique
- inscrire un coefficient minimum de pleine terre et un seuil de végétalisation par unité foncière, conditionner les constructions d’annexes en fond de jardin à la présence de toits plats et végétalisés, imposer des bacs végétalisés pour la construction de balcons et avancées
- végétaliser les aires de stationnement
- désasphalter partiellement le réseau de rues pour le revégétaliser
- diminuer les surfaces minéralisées et les revêtements participant à l’îlot de chaleur.
Favoriser les constructions bioclimatiques pour un meilleur confort
- privilégier la mutation des espaces déjà construits et la rénovation des immeubles anciens
- adopter de nouvelles normes de construction adaptées à l’évolution du climat
- appliquer les principes bioclimatiques dans le cadre des constructions d’immeubles et des opérations importantes dès leur conception
- tenir compte de la topographie de notre territoire propice aux effets des brises de pente lors de la construction d’immeubles sur les flancs de coteaux
- préciser les principes d’orientation par rapport au soleil, aux vents, les paramètres en fonction du relief, de la nature du sol, du recul par rapport à la voirie, les paramètres de forme urbaine, les volumes et les hauteurs des bâtiments pour les effets sur l’ombre portée et l’ensoleillement
- imposer des cœurs d’îlots, des espaces interstitiels pour une meilleure ventilation
- imposer l’utilisation de matériaux à albédo élevé
- favoriser la performance énergétique des bâtiments
- promouvoir les solutions alternatives à l’installation de climatiseurs énergivores qui réchauffent l’air extérieur
- limiter l’imperméabilisation des sols autour des constructions, végétaliser les pieds d’immeubles et les toitures.
Renforcer la présence de l’eau pour un effet de rafraîchissement
- adapter l’aménagement des bords de Marne
- préserver les lacs, étangs, mares et zones humides
- rouvrir les rus et ruisseaux busés
- installer des noues, des bassins, des rivières urbaines, des fontaines, des aires de rafraîchissement dans les espaces publics
- renforcer les aménagements des Trames bleues
- limiter l’imperméabilisation des sols, donc le ruissellement
- récupérer les eaux de pluie vers des bassins biotope
- préconiser l’infiltration à la parcelle quand c’est possible.
Organiser les mobilités douces pour une meilleure santé
- élaborer un réseau de pistes cyclables, créer des parkings vélos, financer des équipements cyclables
- développer les cheminements piétons
- développer les transports en commun : couloirs de bus, parcs relais
- développer les zones apaisées
- développer les modes de partage
- élaborer un plan de circulation territorial cohérent pour réduire l’usage de la voiture
- mutualiser et mettre en cohérence les itinéraires des navettes municipales
- agir pour que le prolongement de la ligne 11 du métro prévue dans le plan du Grand Paris Express (GPE) de Rosny-Bois-Perrier à Noisy-Champs soit réalisé.
Favoriser la proximité et la qualité écologique
- adopter un schéma de commandes publiques incluant des dispositions sociales, environnementales et locales
- encourager les productions agricoles locales, soutenir les projets de fermes urbaines et de mises en exploitation des espaces propices à ces activités.
Ces propositions sont à la hauteur du défi devant lequel nous place le réchauffement climatique. ENDEMA93 appelle les élus de Grand Paris Grand Est à s’engager résolument pour placer notre territoire en situation de limiter le hausse des températures et préserver la santé et la qualité de vie de ses habitants.